Une Très Mauvaise Blague

Du 24 au 29 août 2010, le Mont Blanc est en fête. Chamonix et les 15 communes du pays du Mont Blanc accueillent la 8e édition de «The North Face Ultra Trail du Mont Blanc». Arrivant de 58 pays différents, les 5500 participants, répartis dans 4 courses, tentent de rallier Chamonix après un passage en Italie et en Suisse.

Toutes aussi difficiles les unes que les autres, les 4 épreuves ont chacune leurs charmes, leurs attraits et leurs exigences. L’épreuve reine, l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc), avec ses 166km et ses 9500m de dénivelé +, est limitée à 2300 participants. Cette année, il y a eu 3500 demandes et donc 1200 refusées … Le départ est donné vendredi 27, à 18h30, du cœur de Chamonix et l’arrivée est prévue au même endroit dans un délai de 46h. Autre course partant de Chamonix, pour la 3e édition, la PTL (La Petite Trotte à Léon), est une épreuve sans classement, en autonomie complète, réalisée en équipe de 3 coureurs. Le tracé surplombe sans arrêt celui de l’UTMB. Longue de 240km, avec 18000m de dénivelé +, cette course est réservée aux vrais aventuriers, amoureux des difficultés avec un véritable esprit d’équipe. Pour participer, 2 des 3 équipiers doivent avoir fini, au moins une fois l’UTMB, les 77 équipes, au départ mardi 24 à 22h00, doivent rejoindre Chamonix en moins de 114h. Pour les 2 autres courses, les départs sont donnés de Courmayeur, en Italie. La 5e édition de la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix), considérée comme la porte d’entrée à l’UTMB, est limitée à 1800 coureurs. Son départ est donné vendredi 27 à 10h00 et les participants ont 26h pour effectuer les 98km et avaler les 5600m de dénivelé +. Dernière course, la TDS (Sur les Traces des Ducs de Savoie), limitée à 1200 coureurs, plus sauvage que l’UTMB et la CCC, offre aux participants une vue inédite des pourtours du Mont Blanc et du massif du Beaufortain. Effectuée sens contraire aux autres épreuves, elle totalise 111km pour 7000m de dénivelé +, qu’il faut boucler en moins de 32h. 

Malgré une organisation parfaitement rodée, une course de montagne ne peut se dérouler, que si la météo le permet. Cette année, des pluies torrentielles et même de la neige à 2200m, provocant des coulées de boue, ainsi qu’une visibilité réduite à moins de 50m dans certains passages et des rafales, de vent, glaciales, ont bouleversé le déroulement de cette semaine de course. Les organisateurs ont préféré arrêter toutes les épreuves entamées, samedi, vers 03H00 du matin, en organisant un immense rapatriement, de tous les participants, vers Chamonix, grâce à une noria de Bus, réquisitionnés, pour l’occasion.

Pour l’UTMB, partis à 18h30, les concurrents ont été stoppés aux Contamines, pour les premiers et à partir de St Gervais pour les derniers. Le retour des 2300 coureurs vers Chamonix s’est effectué sans problème. Concernant la CCC, la course partie depuis 10h00 du matin, a, dans un premier temps, été maintenue. Les premiers concurrents ont passé la ligne d’arrivée à partir de 22h00, comme prévu, mais les conditions météo, commençant à se dégrader, rendant le dernier tronçon particulièrement difficile et dangereux, la direction de course a décidé, là aussi, de neutraliser l’épreuve en rapatriant les participants depuis Champex, Trient et Vallorcine. La TDS, dont le départ devait être donné à minuit, samedi, a d’abord été reporté à 3h00 … puis carrément annulé. Sur les 1200 inscrits, il a fallut en loger une grande partie et plusieurs gymnases et centres d’hébergement ont été ouverts, pour régler le problème. Concernant les 74 équipes parties depuis mardi pour la PTL, de nombreux itinéraires de remplacement, et beaucoup de débrouillardises de la part des participants, leur ont permis de rejoindre Chamonix.

Après plusieurs réunions entre les organisateurs, les secours en montagne, les prévisionnistes de Météo-France et les élus locaux, la décision de stopper la course a provoqué de nombreuses réactions parmi les coureurs. Certains ont même eu des paroles plus que déplacées, envers des bénévoles (d’ailleurs, ont-ils été déjà une fois bénévoles dans une quelconque organisation ?), d’autres ont tout de suite accusé les organisateurs d’avoir donné le départ en ayant déjà prévu d’arrêter la course à 20km, sous prétexte, qu’après 20km de course, ils n’auraient rien à rembourser !!! … Il s’est dit, vraiment n’importe quoi, et ça ne faisait qu’envenimer les choses. Heureusement quelques coureurs, et non des moindres, comme Sébastien Chaigneau, ont tout de suite accepté cette décision, en invoquant le souvenir du Trail du Mercantour où 3 coureurs y ont laissé la vie … même une course, si belle soit-elle, ne mérite pas que l’on y laisse la vie … cela reste avant tout du sport, et pour, au moins 95% du peloton, un loisir, ne l’oublions pas. Ils ne sont pas si nombreux que ça, a vivre de la course à pied, et s’il n’y avait pas les milliers de partants (malgré tout, bien entraînés, puisqu’ils sont tous passés par les courses qualificatives, pour y arriver), pour former le peloton, les pseudo professionnels ne pourraient même pas se vanter d’être vainqueur, car pour être vainqueur, quelque part, il faut battre un adversaire … seul, on ne bat personne !!! Que dire du comportement de l’Espagnol Kilian Jornet (que je respecte beaucoup et qui est un véritable champion d’exception), vainqueur des 2 dernières éditions de l’UTMB, en tête de la course au moment de la décision d’arrêter la course … j’ose espérer que ses propos ont dépassé ses pensées … comment pouvoir dire que lorsque l’on s’inscrit dans une course de montagne, on doit aller jusqu’au bout et ne pas arrêter, à la moindre goutte de pluie … C’est vrai qu’un navigateur, seul en pleine mer, risque sa vie à chaque vague qui passe et continue jusqu’à la ligne d’arrivée, s’il le peut … mais là, ce sont 5500 participants qu’il fallait gérer et protéger et si par malheur, un accident était survenu … il est fort à parier que certains détracteurs, d’aujourd’hui,  auraient critiqué l’organisation en disant qu’il aurait été meilleur d’arrêter la course …

Explications de Michel Poletti, organisateur, pendant la conférence de presse d'après course.

"Après 2 nuits blanches, je découvre vos nombreux messages qui traduisent, en particulier pour ceux qui n'ont pas pu prendre le nouveau départ à Courmayeur samedi à 10h, beaucoup de déception, mais aussi beaucoup de contrevérités et de jugements à priori. Voici quelques explications. Tout d’abord, il faut savoir qu’il est beaucoup plus facile d’annuler une course que de la laisser partir et de l’arrêter en cours de route : en cas d’annulation, nous sommes assurés, en cas d’arrêt, non et nous devons assumer toutes les charges financières supplémentaires, notamment de rapatriement. Si le départ de l’UTMB a été donné, c’est simplement et uniquement pour essayer au maximum que la course ait lieu dans son intégralité. Si nous l’avons arrêté aux Contamines, c’est parce que toutes les observations terrain corroboraient la prévision météo : la situation sur les secteurs du Bonhomme et de la Seigne était intenable et cela allait encore empirer durant la nuit. Faire passer la course dans ces conditions aurait mis gravement en danger la vie de très nombreux coureurs (et je proteste publiquement contre l’irresponsabilité totale – que j’espère due au manque d’information sur la situation réelle – dont relève certains messages lus sur le forum de la course ou d’autres sites/blogs). Faire partir la TDS aurait relevé de la même inconscience. Lorsque cette décision est devenue évidente, j’étais personnellement en train de descendre vers St-Gervais, et j’avais moi-même du mal à croire ce que me disait Catherine au téléphone tant la situation météo semblait cool . Sachant que ce gros coup de mauvais temps serait bref, et que le temps reviendrait au beau dès samedi en Italie, puis progressivement en Suisse et en France, nous avons tout de suite imaginé comme solution de repli un départ à Courmayeur samedi matin, que l’on pourrait également proposer aux coureurs de la TDS dont le départ était également impossible. J’ai annoncé cette éventualité à mon arrivée à St-Gervais, mais la situation est devenue ingérable en moins de 5 minutes, tant les coureurs demandaient des informations que j’étais alors évidemment incapable de leur donner. J’ai du reprendre le micro pour annoncer que la reprise de la course à Courmayeur samedi n’était pas d’actualité et que la seule chose à faire pour l’instant était de rentrer sur Chamonix. La priorité fut alors d’organiser le rapatriement des 2300 coureurs et des 1000 accompagnants. Chose faite vers 23h, grâce à l’exceptionnel concours de Chamonix-Bus, de la SNCF et du Tramway du Mont-Blanc. Nous avons alors travaillé à l’organisation d’urgence du départ à Courmayeur : s’assurer de la situation météo, s’assurer que toutes les communes pouvaient remobiliser leur bénévoles, réorganiser l’informatique, le médical, les secours, organiser les transports, obtenir les autorisations de fermeture de routes à Courmayeur, valider ce plan d’urgence avec les Maires des Communes et les autorités publiques. A 1h26, nous avons envoyé un SMS à TOUS les coureurs, sur le n° que vous avez communiqué dans votre fiche pour votre GSM obligatoire. Dans le même temps, la situation sur la fin de la CCC est devenue critique, avec en particulier des messages d’alerte de nos secouristes en poste sur le secteur de la Tête aux Vents. Il devenait également impossible de laisser s’engager d’avantage de coureurs sans risquer des accidents majeurs. A 2h10, nous avons pris la décision de stopper la CCC à Trient et Vallorcine et avons organisé le rapatriement des 1300 coureurs bloqués et de leurs accompagnants. Mais cela a mobilisé des moyens de transports sur lesquels nous ne pouvions dès lors plus compter pour le départ vers Courmayeur. A 4h02, nous avons renvoyé un SMS à tous les coureurs pour les informer que nous ne disposions que de 1000 places pour le transport vers Courmayeur. Mais malheureusement, nous ne maîtrisons pas la RECEPTION des SMS. Un mot sur le parcours de repli demandé par certains. Faire l’UTMB, c’est faire le tour du Mont-Blanc. Si certains connaissent un parcours de repli qui évite de passer par le Col du Bonhomme et le Col de la Seigne ou par d’autres cols aussi élevés, dites-nous le d’urgence. Si un parcours de repli consiste à faire une course uniquement dans le Val Montjoie et la Vallée de Chamonix sans s’élever au-dessous de 1600 ou 1700 m, cela nous semble sans aucun intérêt. Dès lors, l’une des spécificités de l’UTMB, c’est qu’il n’existe malheureusement pas de parcours de repli. Un dernier mot sur le problème de dé balisage. Il s'agit d'une mauvaise information qui nous est parvenue. Après vérification, ce problème n'a pas existé." 

Concernant la CCC (la vraie), 444 concurrents ont terminé l'épreuve, les autres ont été, eux aussi, stoppés par les organisateurs entre Trient et Vallorcine. La course a vu la victoire de Xavier Thévenard, dont le sport de prédilection est le ski de fond. Il a reconnu après avoir franchi la ligne d'arrivée qu'il s'était mis à la course à pied depuis seulement 2 ans, pour continuer l'entraînement pendant l'été. Il ne participe qu'à 2 ou 3 courses par an !!! Après une 2e place lors de la Transju-Trail (70km), à Chamonix, il est parti prudemment et n'a fait que doubler, pour finir premier devant Sylvain Camus et Nikolaos Kalofyris. Chez les femmes, c'est la Savoyarde Maud Giraud (grande favorite), qui l'emporte devant Delphine Avenier et l'Américaine Kami Semick.

Les coureurs de l'UTMB 2010 (arrêtés après seulement 20km) et ceux de la TDS (qui n'ont même pas pris le départ) ont reçu des SMS pour leur proposer un départ le samedi matin, à 10h00, de Courmayeur, pour une course de repli (une mini UTMB, sur le parcours de la CCC). Une course réservée aux 2300 inscrits pour l'UTMB et aux 1800 inscrits pour la TDS, ce qui fait 4100 partants !!!! Impossible, donc les organisateurs décident de limiter la course à 1300 ... de toutes façons, une grande partie des "rapatriés" n'ont lu leur SMS que dans la matinée et étaient dans l'incapacité de rejoindre Courmayeur. Les Bus de l'organisation étaient en place depuis 6h30 samedi matin à Chamonix pour emmener les coureurs "volontaires" vers le départ. Cette course de rattrapage s'est déroulée presque tout le temps sous le soleil, surtout côté Italien et Suisse, le mauvais temps n'aillant persisté que du côté Français. La victoire est revenue à l'anglais Jez Bragg, devant l'américain Mike Wolfe et l'espagnol Zigor Iturrieta Ruiz et chez les femmes, c'est l'anglaise  Lizzy Hawker qui l'emporte, devant l'espagnole Néré Martinez Urruzola et la française Agnès Hervé.

   L'anglais Jez Bragg, l'américain Mike Wolfe, l'espagnol Zigor Iturrieta Ruiz et l'anglaise Lizzy Hawker.

Renseignements sur la course : www.ultratrailmb.com/

 

Chamonix, le jeudi ... Chamonix, le reste du week-end !!!

Installé au cœur de Chamonix, le Salon de l'Ultra-Trail, avec plus de 80 exposants, permet aux coureurs venant du monde entier, à leurs familles, aux bénévoles, ainsi qu'à tous les touristes de se rencontrer et de partager leur passion de la course nature.

David Gosselin, dossard 5006, (USM Vire) 8e et Bertrand Collomb-Patton dossard 6664 (Caen Athlétic Club) 7e, 2 normands dans le top 10 de la CCC.

Longue file d'attente, pour rendre la puce et récupérer la caution, ainsi que la "fameuse polaire" de "Finisher".

 L'organisation avait prévu une grande salle, sur 2 étages, où tout le monde pouvait venir se restaurer.

  Petite pause photo en compagnie de David, sous l'arche d'arrivée, avec comme objectif : la franchir l'année prochaine, avec un dossard ... Si, si, c'est possible.

Texte et photos : Fabrice Humbert