Récit Course Etna Trail / Linguaglossa - Piano Provenzana
Sicile / Italie / 23 juillet 2016
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(Récit : Fabrice Humbert et Photos : Eva Humbert)

Cela faisait plusieurs années que nous avions envie de passer des vacances en Sicile. Après avoir changé plusieurs fois de date, l'ETNA TRAIL est maintenant programmé en juillet, donc nous décidons de faire ce petit voyage en Italie, par rapport à la date de la course pour pouvoir y participer. Encore une fois, nous organisons, nous même, ce voyage, 2 vols A/R Paris-Catane (202€), 1 semaine d'hôtel en bord de mer (402€), 1 location de voiture (253€) ... total pour nous deux : 857€ ... le tout était réglé en moins de 3 jours, le plus dur ayant été de choisir un hôtel, tellement il y a de choix. C'est donc à Riposto, une petite ville en bord de mer, que nous avons choisi de poser nos valises, à seulement 15km de Linguaglossa, ville départ de la course. Depuis plusieurs années, la distance de course était autour de 60/65km, une distance qui me convient bien, mais cette fois, ils ont carrément rallongé, passant à 90km ... et là, pour moi, c'est trop, j'ai décidé depuis 2 ans de ne plus dépasser 70km ... donc je vais participer à la course plus courte de 24km ... dommage, mais il faut être raisonnable.

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Vendredi 22 juillet
C'est le jour de la remise des dossards et nous allons passer la journée entre Linguaglossa et Piano Provenzana. C'est aussi pour nous l'occasion d'approcher les bords du plus haut volcan d'Europe, l'Etna. De Riposto, la ville où se trouve notre hôtel, il ne faut que 20' pour arriver à Linguaglossa, lieu du départ et de l'arrivée de la course de 90km et c'est aussi, ici, qu'est concentrée toute l'organisation des courses, retrait des dossards, pasta-party, remises des récompenses etc. Dans la ville, tout est prêt pour accueillir les 500 participants, de 15 nationalités différentes, et même si vous ne parlez pas l'italien, de nombreux jeunes bénévoles se plient en quatre pour communiquer en anglais et pour ceux qui ne parlent que le français ... ne soyez pas inquiets, nous avons rencontré beaucoup de Siciliens qui sont ravis d'échanger quelques mots pour nous aider, et dans l'organisation ils sont plusieurs à bien maîtriser notre langue. Je récupère donc assez facilement mon dossard et les petits cadeaux offerts par les sponsors ainsi que les tickets d'accès à la Pasta-Party de ce soir. 



Après avoir mangé dans un petit restaurant, près du retrait des dossards, nous prenons la direction de Piano Provenzana. Pour y arriver, il va falloir grimper, car à Linguaglossa, nous sommes à 550m d'altitude et Piano Provenzana est à 1800m ... en effet, dès la sortie de la ville, la route est toute en lacets, au milieu des sapins ... jusqu'à une coulée de lave d'au moins 200m de large, qui a tout emporté, ne laissant qu'une large bande de pierres de lave et de sable noir ... un petit arrêt s'impose ... c'est impressionnant, des carcasses d'arbres sont restées debout et quelques jeunes sapins arrivent à pousser au beau milieu des cendres ...



 

Nous arrivons à Piano Provenzana, la station a été entièrement emportée par une coulée de lave de la grande éruption de 2002, et sur cette grande plateforme, une quinzaine de chalets en bois ont été construits, pour permettre à quelques commerçants de continuer leurs activités, et on trouve beaucoup de boutiques de souvenirs, avec à chaque fois, les photos et films de la coulée de 2002. Il y a aussi un bureau de tourisme où il est facile de prévoir un départ de randonnée avec un guide, ainsi que quelques bars où l'on peut même se restaurer. Mais ce qui est surtout impressionnant, c'est le nombre de place de stationnement ... Il y a un parking immense et après avoir discuté avec un des vendeurs de souvenirs, nous apprenons que nous sommes au beau milieu d'un domaine skiable, car ici, l'hiver, tout est recouvert de neige ... et il y a principalement des pistes de ski de fond.
Nous passons un peu de temps sur cette grande plateforme, toute une structure est déjà installée pour le départ et l'arrivée de la course de 24km. Il fait chaud et il y a du vent, les sommets sont un peu dans la brume, la vue sera surement meilleure demain matin. Il est temps de redescendre à Linguglossa pour le briefing qui se déroule à 17h30.

Nous écoutons religieusement toutes les explications concernant les courses, bien sur, en italien mais traduit en même temps en anglais, c'est très bien organisé, car si nous avons besoin d'un complément d'information en français, en espagnol ou en allemand, il n'y a pas de problème, il faut juste le demander à la traductrice. Après les rappels des couleurs de balisages, le temps est venu pour les organisateurs, de présenter aux coureurs les représentants des différents sponsors ainsi que les hautes autorités des communes et du Parc de l'Etna que nous allons traverser. Puis l'heure de la Pasta-Party est arrivée et la fête peut commencer, une petite rue de la ville est complètement fermée pour permettre, non seulement aux coureurs et accompagnateurs, mais aussi à toutes les personnes qui le souhaitent, de venir manger un succulent plat de pâtes ... Ayant un peu de route à faire pour rentrer à l'hôtel, nous n'avons pas trop traîné et vers 20h30, nous sommes partis ...

Samedi 23 juillet

Jour de la course, il est tout juste 6h00 quand le réveil sonne ... Nous déjeunons tranquillement, puis passons par la douche avant de rejoindre Piano Provenzana. Il n'y a personne sur la route et nous y arrivons à 7h50'. En face du parking où nous sommes garés, il y a un bar qui est en train d'ouvrir, nous décidons d'aller prendre un petit café avant que je commence à mettre mes affaires de course. Le départ est prévu à 9h00, j'ai le temps ...
A peine revenu à la voiture, un scooter est garé à côté et un monsieur nous demande 3€ pour le stationnement pour la journée, il nous donne un ticket, qu'il date et signe en attendant les 3€. Ce n'est pas une arnaque, il s'agit bien d'un gardien qui passe devant toutes les voitures qui se garent pour récupérer le prix du parking. Je m'habille tranquillement tout en discutant avec Olivier, un Belge qui s'est garé juste à côté de notre voiture. Il vient de Lièges et participe à son premier Trail, il a déjà couru des marathons mais jamais d'épreuves avec du dénivelé, il espère tenir le 10km/h ... Je pense qu'il va être surpris, mais après tout, je ne le connais pas plus que ça, donc c'est peut-être possible ... Nous partons rejoindre la ligne de départ, située à moins de 300m. Eva m'accompagne pour faire une petite photo avant le départ. En chemin nous rencontrons Stéphane, un Français qui vient des Ardennes, il est accompagné par son père et tous les deux cherchent un moyen pour que son père puisse le voir passer à un endroit sur le parcours ... Eva, en parlant avec un chauffeur de bus, a compris qu'il pouvait emmener une trentaine de personnes jusqu'au ravitaillement du 12e km et qu'il revenait après à l'arrivée ... Les voila donc ensemble pour passer une partie de la matinée, c'est plus sympa que de rester là, à attendre l'arrivée ... d'autant plus que le bus est pris en charge par l'organisation et donc, gratuit. Stéphane pense terminer en 3h ... moi, si je pouvais revenir pour 13h/13h30, soit 4h/4h30 de course, je serai très content ...

  

Nous sommes tous rassemblés sous l'arche de départ et après nous avoir rappelé quelques consignes de sécurité le départ est donné à 9h00 pile. C'est parti pour 24km ... pour l'instant, ça descend et c'est sur la route, ça permet d'étaler un peu le peloton. Au bout de 500m, nous quittons la route pour un beau chemin, large et toujours en descente ... Nous sommes dans la forêt, bien protégés du soleil, grâce aux immenses sapins, pour le moment, il ne fait pas trop chaud ... et ça descend toujours ... Je cours à un rythme qui me convient, sans me préoccuper des autres concurrents, certains me doublent, mais comme j'en dépasse d'autres, ça me paraît bien parti, surtout qu'au fur et à mesure que j'avance, ne ressentant aucune douleur à ma cuisse, je suis confiant. Entre le 4e et le 5e km, alors que nous sommes au point le plus bas de la course, 1510m, nous attaquons maintenant une partie montante. Ce n'est pas trop pentu, mais ce n'est pas facile de courir à cause des pierres et je perds beaucoup de temps et d'énergie à regarder où je pose mes pieds ... J'arrive au 1er ravitaillement, situé à un peu plus de 6km, en 40', pour l'instant tout va bien, mais je ne suis pas trop rassuré car j'ai du mal à trouver les endroits où passer, j'ai beau essayer de suivre d'autres coureurs, je vois bien que je suis plus hésitant et que je perds du temps ... heureusement que j'ai mis des guêtres car le sable noir est partout, au moins, il ne rentre pas dans mes chaussures ... En quittant le ravitaillement, nous entrons à nouveau dans la forêt, le chemin est moins caillouteux mais il faut rester vigilant pour éviter les racines qui jonchent le sol. La fraicheur sous les sapins est quand même la bienvenue. Mais ce n'est que de courte durée, car après 1h00 de course et 8,3km, à ma montre, nous sortons de la forêt pour découvrir un paysage "MAGNIFIQUE" ... Des cratères sur lesquels plus aucune végétation ne pousse, seules des petites touffes d'herbes vertes, émergent de ce paysage noir et poussiéreux ... tout simplement magique. Le tracé nous permet un enchainement de passages sur les flancs de 3 cratères, en moins de 10' et cette fois, sur un sol très dur, certainement grâce à la fréquentation massive des randonneurs dans ce secteur. 

Un peu plus loin, nous arrivons sur une route, que nous devons emprunter pendant une cinquantaine de mètres, avant de virer sur la gauche et encore une fois, entrer dans la forêt. Le début du chemin est agréable, mais assez vite, la végétation devient si intense, qu'il devient impossible de courir. La pente est de plus en plus raide et avec le sol jonché de racines, de pierres et de sable, ça ne devient plus plaisant d'être là ... comble de malchance, en me prenant le pied dans une racine, je manque de tomber et en faisant un écart, je me tape le bras droit dans une branche, me faisant une belle entaille dans le poignet, provocant un saignement ... mon bandana va me servir de pansement, en attendant mieux ...

  

Enfin, j'arrive au 2e ravitaillement, il est situé sur le parking du Refuge Citelli, cela fait 1h30 que nous sommes partis et ma montre indique 11,6km et 1740m d'altitude, je ne suis pas encore arrivé au point le plus haut de la course ... Eva est là, à la sortie du chemin, elle me prend en photo et me dit : "On a l'impression que tu sors de la Jungle !". Elle est avec le père de Stéphane et d'autres membres des familles de coureurs, ils me disent que Stéphane est devant moi, il a dit à son père que c'était très dur pour arriver jusqu'ici et qu'il s'était largement trompé sur les 3h prévues, ça ne m'étonne pas. Je refais le plein de mes 2 gourdes, car jusqu'à l'arrivée, il n'y a plus de ravitaillement et je repars, avec maintenant une seule chose en tête ... finir ...

   

En quittant le parking du Refuge Citelli, j'arrive à courir pendant environ 20', mais à 5 ou 6km/h, pas plus, car ça grimpe. Ensuite, il n'y a pas que la pente qui est raide, mes jambes, aussi, commencent à ressentir quelques douleurs ... le sol se dérobe sous les pieds, à chaque pas, je m'enfonce dans la poussière et les petits morceaux de lave concassés ... le moral en prend vite un coup, il faut penser à autre chose, et profiter du paysage.

    

Le temps passe, j'arrive sur l'arête de la Serra delle Concazze, à 2000m d'altitude, c'est à cet endroit que les organisateurs ont mis en place un contrôle de passage, je suis pointé en 2h27', et j'ai 14km à ma montre ... presque 1h que j'ai quitté le ravitaillement pour seulement 2,4km ... c'est dur, mais, je garde le moral, je me dis qu'il ne reste que 10km à faire, mais la montée finale pour atteindre le point culminant de la course, 2700m, est encore plus dur, donc ... j'avance en faisant quelques petites pauses en me mouillant un peu la tête de temps en temps, mais sans trop gaspiller mon eau, car, de ce côté là, ça diminue à grande vitesse, il faut dire qu'il fait très chaud, mais plus on monte et plus il y a de vent, ça devrait nous rafraîchir un peu ... Cette fois, je longe l'arête, la vue en contrebas est magnifique, on distingue un volcan en dessous de nous, on voit bien le cône intérieur, il s'agit du Monte Simone, il est sur immense partie presque plate qui s'appelle le Valle del Leone. C'est cette partie qui nous sépare de l'Etna qui est juste sur notre gauche, à plus de 3300m d'altitude, heureusement, nous ne devons pas y monter ... C'est vrai que c'est de plus en plus difficile mais j'arrive à 2500m d'altitude, 16,8km de fait en 3h43', soit 1h16' pour 2,8km et 500m de D+ ... Allez encore un petit effort et je passe les 2700m en 4h10' pour 17,4km (27' pour 200m D+ et 0,6km) ... et aussitôt, sans réfléchir, je me jette dans la pente, c'est mou comme de la neige, il faut juste faire l'effort de bien relever les jambes à chaque enjambée, mais ça va vite, je double quelques concurrents qui descendent en marchant ... je regarde ma montre, 1800m d'altitude, 4h37' et 20,6km, l'arrivée se rapproche ...

     

J'arrive face au restaurant Le Monte Conca, l'arrivée est à moins de 500m sur la droite, on entend le speaker qui annonce les arrivants, mais le tracé nous oblige à partir sur la gauche pour arriver, face à une belle montée ... Je marche un peu pour finir la grimpette et après, je repars en courant, cette fois, jusqu'à la ligne d'arrivée que je franchis en 5h17'46", terminant à la 121e place et 5e V3H.

Je ne m'attendais pas à passer autant de temps sur les pentes de l'Etna, mais au moins, j'ai fait le plein de magnifiques paysages, qui resteront pour toujours dans ma tête, et cette rondelle de bois, gravée aux couleurs de l'Etna Trail, qu'une sympathique bénévole m'a mise autour du cou, dès que j'ai passé la ligne d'arrivée, aura une place d'honneur, auprès de mes autres médailles.

Les courses de l'Etna Trail 2017, sont prévues le 30 septembre 2017, il y aura 4 distances : 103, 48, 24 et 14km.

Pour avoir tous les renseignements : www.etnatrail.it/


Un grand merci à Eva, ma photographe préférée, avec qui j'ai partagé cette aventure. Pendant toute cette semaine, elle a été mon interprète, mon guide et elle aurait aimé être mon chauffeur, mais la conduite, ici, est tellement périlleuse qu'elle n'a pas osé conduire la superbe Fiat 500 que nous avons loué, pour cette semaine.